La biochimiste Rosa Jersie-Christensen de la Fondation Novo Nordisk Foundation Center for Protein Research et ses collègues ont étudié des échantillons de plaques dentaires provenant de 21 individus masculins ayant vécu au Moyen-âge dans le village de Tjærby au Danemark.
Leurs analyses ont montré que tous les hommes étudiés avaient des signes de maladies des gencives, de parodontite et des caries mineures. Certains avaient d'ailleurs perdu leurs dents peu de temps avant leur décès.
1ère conclusion : pas top l'hygiène et la santé bucco-dentaire au Moyen-Age... Bon ce n'est pas une surprise, pensez-vous... Mais ce qui nous intéresse plus dans cette étude, c'est le fait que les scientifiques ont réussi à reconstituer l'écosystème buccale de ces hommes médiévaux, un exercice qui nous permet de mieux comprendre son évolution et son fonctionnement.
Tous les microbiomes ne sont pas égaux
Bien que datant du Moyen-Age, la plaque dentaire des individus avait préservé une grande quantité de protéines. En utilisant la spectrométrie de masse, Jersie-Christensen et ses collègues ont identifié 3 761 protéines connues différentes dans les échantillons. Certaines venaient du corps des hôtes ou de la nourriture qu'ils avaient ingérée mais la majorité des protéines - entre 85 et 95% - ont été produites par des bactéries issues du microbiome. Il y avait des protéines d'environ 220 espèces différentes en tout.
Le biochimiste Enrico Cappellini du Natural History Museum of Denmark, coauteur de l'étude, a expliqué que l'étude de ces protéines avait pour objectif de révéler les bactéries actives dans l'écosystème microscopique de la bouche et la réaction du corps de l'hôte à celles-ci. En effet, si l'ADN peut vous indiquer quels gènes étaient présents, les protéines, elles, peuvent indiquer quels gènes étaient réellement actifs. Or, en reconstituant l'écosystème buccal des individus médiévaux, les chercheurs se sont rendus compte que deux types de microbiomes se distinguaient...
Comme nous l'avons dit précédemment les 21 hommes montraient des traces de bactéries connues pour causer des maladie des gencives et des caries dentaires. Mais pour 16 d'entre eux, la majorité des protéines trouvées dans les échantillons provenait de plusieurs espèces de bactéries associées à un risque plus élevé de maladie bucco-dentaires. Dans ce premier groupe de 16 hommes, 7 présentaient des signes de carie dentaire assez grave...
Le deuxième groupe lui, n'avait qu'un seul cas de carie dentaire grave. Selon les chercheurs, les protéines trouvées dans la plaque dentaire des individus de ce groupe d'hommes provenaient principalement de bactéries relativement inoffensives, notamment de Streptococcus sanguinis , une espèce qui surpasse presque toujours la principale bactérie responsable des caries dentaires (son cousin Streptococcus mutans ). Ces hommes semblaient donc avoir une prédisposition à la santé bucco-dentaire par rapport à leurs voisins...
Miscrobiomes médiévaux // Microbiomes modernes
Malgré leurs différences, tous les échantillons de plaque médiévale avaient beaucoup plus en commun les uns avec les autres qu'avec les échantillons modernes. Bien qu'il soit possible que les échantillons médiévaux soient biaisés au profit des protéines les plus susceptibles de survivre à quelques centaines d'années de dégradation, les changements de mode de vie pourraient expliquer en grande partie cette importante différence entre les microbiomes médiévaux et les microbiomes modernes.
Effectivement, les individus médiévaux danois partageaient des styles de vie très similaires et des régimes monotones ; les traces de protéines alimentaires laissées dans leur plaque dentaire suggèrent une consommation importante de lait de chèvre ainsi que d'avoine. Alors, qu'au 21ème siècle, notre alimentation comprend beaucoup plus de variétés que le villageois moyenâgeux aurait pu l'imaginer, et l'alimentation peut être très différente d'une personne à une autre. Différents antécédents personnels d'utilisation d'antibiotiques, ainsi que des facteurs environnementaux et génétiques, façonnent également les écosystèmes microbiens de manière radicalement différente d'un individu à l'autre.
Votre microbiome : la fiche d'identité de votre santé ?
Les scientifiques ne savent pas encore exactement comment tous ces facteurs se combinent pour influer les écosystèmes qui animent le corps humain, en partie parce que nous ne comprenons pas complètement l'ensemble des organismes qui y vivent... Récemment encore nous avons découvert de nouvelles espèces de bactéries buccales, et plusieurs d'entre elles sont presque impossibles à cultiver en laboratoire !
Certaines études ont d'ailleurs suggéré que la composition du microbiome d'une personne pourrait être aussi unique qu'une empreinte digitale, ce qui rend difficile la comparaison à grande échelle des microbiomes buccaux entre les populations. Mais Jersie-Christensen et ses collègues pensent qu'en combinant des études sur les protéines présentes dans la bouche d’une personne et des études métagénomiques du microbiome, les chercheurs pourraient éventuellement être en mesure de tracer davantage de liens entre le mode de vie des individus, les microbes et leur santé.
Source : ARStechnica
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