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  • Photo du rédacteurDocteur Bridge

Accès aux soins pour tous et prévention : le rôle clé du chirurgien-dentiste

Selon la loi, aucune personne ne peut faire l'objet d'une discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins. Même si ce droit n’est pas toujours des plus simples à mettre en œuvre, le chirurgien-dentiste joue un rôle majeur dans son application au quotidien.



Accès aux soins des personnes en situation de handicap


"Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation nationale, l’accès aux soins fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi qu’au plein exercice de sa citoyenneté."


L'article 2 de la Loi sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 est particulièrement explicite : il n’y a pas de droits spécifiques pour les personnes handicapées. Le droit commun s’applique à eux dans son entièreté, y compris dans le domaine de la santé : égal accès, non-discrimination dans la prévention et les soins, le libre choix du professionnel de santé, et, même droit à l’information du patient sur son état de santé. 


Pourtant, de nombreux éléments rendent l’accès aux soins compliqué pour les quelques 10 millions de personnes en situation de handicap vivant en France. Selon leur handicap, ils se confrontent en effet à divers obstacles :

  • Des obstacles liés à l'accessibilité physique (accès aux établissements pour les personnes à mobilité réduite);

  • Des obstacles liés à l’accessibilité relationnelle et émotionnelle (difficultés de compréhension, difficultés à faire confiance, difficultés à exprimer ses angoisses et sa douleur pour les personnes atteintes de certaines déficiences…);

  • Des obstacles liés à l’accessibilité financière (les patients atteints de handicap ont souvent peu de ressources) ;

  • Des obstacles liés à l’accessibilité de l'information (les outils de prévention et d’orientation sont peu accessibles pour les patients atteints de handicap visuel, auditif ou mental).

Or, selon une étude de la Drees réalisée en 2015, les soins dentaires sont souvent les premiers auxquels renoncent les Français lorsqu’ils rencontrent des difficultés financières… Alors imaginez ce qu’il en est pour les personnes en situation de handicap face à tous ces potentiels obstacles !


Cette situation est lourde de conséquences sur la qualité de vie quotidienne des personnes souffrant de handicap : leur état de santé bucco-dentaire est globalement très inférieur à celui de la population générale. On sait, par exemple, que les enfants handicapés de 6 à 12 ans ont quatre fois plus de risques d’avoir un mauvais état de santé bucco-dentaire que les enfants "ordinaires" !


Si 83% des chirurgiens-dentistes ont aménagé leur cabinet pour accueillir les patients atteints de handicap, la mise en œuvre concrète de l’accès aux soins pour tous dans l’ensemble des cabinets n’est pas toujours simple. Les personnes à besoins spécifiques, comme celles en situation de handicap, demandent une prise en charge adaptée. Le praticien doit sortir de son cadre ordinaire de soins pour aller vers une prise en charge à la carte en fonction de la déficience de la personne et par là même de ses possibilités physiques, psychiques, émotionnelles et mentales. De ce fait, prendre en charge un patient handicapé demandera nécessairement plus de temps, d’anticipation et d’implication de la part du praticien et de son équipe. Les dentistes estiment en effet que le temps des soins dédiés aux personnes en situation de handicap est majoré d’au moins 50% par rapport à des soins comparables prodigués sur des personnes ne présentant aucun handicap.


Pour encourager les chirurgiens-dentistes à prendre le temps nécessaire à la prise en charge des personnes en situation de handicap lourd, une majoration spécifique a été mise en place au 1er avril 2019 par l’Assurance Maladie. Une prise en charge qui se matérialise par la valorisation d'un supplément facturable une fois par séance d'un montant de 100 euros. Cette cotation a pour nom de code YYYY183 et peut être utilisée dans tous les cas où la facturation s'effectue à l'acte, que ce soit en milieu libéral, mutualiste, hospitalier ou autre (hors facturation journalière).


Malheureusement, malgré des avancées encourageantes et la bonne volonté des praticiens, trop peu d’entre eux ont été préparés à accueillir des personnes handicapées.


"Lorsque, parfois, nous recevons des carabins en stage dans notre centre, ils me confirment que c’est bien le seul contact qu’ils auront au cours de leurs cursus avec les handicapés et les modalités de leur prise en charge" a témoigné Dominique Perriot, président du Comité National du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP), lors de la séance officielle du 25 mars 2019 de l’Académie de chirurgie dentaire qui portait sur l’accès aux soins des handicapés. "Or, pour faire tomber les appréhensions et favoriser l’apprentissage des bons gestes, il n’y a que le terrain. Je ne peux donc qu’appeler les pouvoirs publics à mettre en place des formations initiales et les professionnels de santé en exercice, dont, bien entendu, les chirurgiens-dentistes, à se former. Cela permettrait une avancée décisive en matière d’accès aux soins. Une société inclusive est une société dans laquelle on accepte de côtoyer les handicapés."


Se former à recevoir dans les meilleures conditions possibles les patients handicapés, c’est ce que proposent les réseaux de soins bucco-dentaires destinés aux personnes handicapées : un environnement rassurant pour les chirurgiens-dentistes qui favorise l’apprentissage par le partage d’expériences. Un décloisonnement qui fait progresser la pratique professionnelle. Les praticiens apprécient de travailler à plusieurs, de disposer de méthodes et d’accompagnement et de pouvoir se tourner vers un ou plusieurs confrères organisés en cabinet "référents".


On estime que 9O% des personnes à besoins spécifiques pourraient être soignées dans des cabinets de ville si la formation des chirurgiens-dentistes leur permettait d’acquérir l’expérience et de développer les compétences nécessaires à la prise en charge de ces personnes, notamment grâce à l’utilisation des moyens de sédation actuellement disponibles.



Accès aux soins des poteur du VIH et d'hépatites


Refus de soins directs ou déguisés, différences dans les traitements, non-respect du secret médical, attitudes humiliantes... Les porteurs du VIH et d’hépatites virales sont souvent victimes de discrimination dans le milieu médical.


En 2015, l’association AIDES attirait notamment l’attention sur les difficultés rencontrées par les malades pour accéder aux soins bucco-dentaires en cabinets. Des militants de l'association AIDES ont contacté 440 cabinets dentaires (pour un détartrage), choisis aléatoirement dans 20 villes françaises, en mentionnant leur séropositivité. Résultats : un cabinet dentaire sur trois refusait de prendre le rendez-vous !


Dans 3,6 % des cas (16 cabinets), les refus sont directs, frontaux, lors de la prise de rendez-vous. Dans 30 % des cas, les refus sont déguisés : stratégies de découragement (horaires contraignants, dépassements d’honoraires, assurance de la solvabilité financière…) ou réorientation vers des services hospitaliers ou des confrères, sous prétexte d’un manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge, de matériel non adapté ou de la dangerosité des soins, qui suggèrent une meilleure prise en charge "ailleurs".


"20% des personnes séropositives ignorent être porteuses du VIH. Ce taux grimpe à 35% pour les personnes porteuses de l'hépatite C. La mise en place de traitements différenciés ou d'horaires aménagés pour les personnes séropositives n'a donc aucun fondement scientifique ou médical. Elle a pour seul effet de stigmatiser les personnes et de les décourager à recourir aux soins." pointait alors l'association. L'ordre national des chirurgiens-dentistes, lui, rappelait que "les précautions à mettre en œuvre sont les mêmes pour tous les patients. Ils doivent, tous, bénéficier d’une même chaîne de décontamination et de stérilisation."


Ce type de comportement illégal conduit certaines personnes à ne pas divulguer leur état de séropositivé aux professionnels de santé par crainte d’être stigmatisées. Une attitude qui, ils peuvent le penser, leur donnera plus facilement accès aux soins les plus courants, mais ne leur garantira malheureusement pas la prise en charge la mieux adaptée à leur condition. En effet, les patients infectés par le VIH sont plus susceptibles de développer certaines infections et maladies buccales. Ils sont par exemple exposés à un risque accru de candidose buccale (60 % des patients VIH sont concernés). Le risque de gingivite ulcéro-nécrotique et de parodontite ulcéro-nécrotique est également augmenté. Idéalement, le praticien doit avoir une approche globale de la prise en charge médicale de ces personnes.


Il va de la responsabilité du chirurgien-dentiste de faire en sorte que les patients souffrants de maladies puissent obtenir un rendez-vous dans leur cabinet sans ne subir aucune discrimination en sensibilisant et en informant son équipe sur les bonnes procédures à suivre.



Nous venons de voir que le chirurgien-dentiste est un acteur de premier rang dans l’application du droit à l’accès aux soins pour tous. Mais en tant que professionnel de santé, il joue également un rôle majeur dans la détection et la prise en charge des personnes en souffrance, victimes de violences ou en situation de dépendance.



Repérer les victimes de violences


En France, en 2019, une femme est tuée tous les deux jours sous les coups de son (ex)conjoint et deux enfants ou adolescents décèdent chaque semaine des suites de maltraitances. En lisant ces chiffres effroyables, on ose à peine imaginer le nombre de victimes qui subissent violence et maltraitance dans notre pays et qui, sans intervention, risquent elles-aussi de disparaitre tragiquement… Ce dont nous pouvons être certains, en revanche, c’est qu’en recevant en moyenne 911 patients par an dans son cabinet, un chirurgien-dentiste croise et ausculte assurément certaines de ces victimes sans même parfois s’en apercevoir. Or, en tant que professionnel de santé, le chirurgien-dentiste devrait être en capacité d’identifier, d’accueillir et d’orienter les victimes de violence et de maltraitance avec tact et conviction. Mais comment les repérer ? Comment créer un cadre propice au dialogue ? Que dire, que taire ? Comment agir en présence d’un tier susceptible d’être le bourreau de la victime ?


Pour accompagner les chirurgiens-dentistes et les conseiller sur ces sujets, l’Ordre a créé fin 2016 un réseau de Référents Violences faites à autrui pour chaque département. Les référents ont pour mission d’organiser des temps de sensibilisation et d’information auprès des praticiens qui, d’après la loi du 4 juillet 2014, sont dans l’obligation de suivre une formation sur les violences faites aux femmes. Aussi, en cas de question ou de suspicion, un praticien peut se rapprocher du conseil départemental dont il dépend afin d’obtenir les coordonnées du référent Violences faites à autrui.


En fonction de la situation et des besoins, la victime pourra alors être orientée vers : des professionnels de santé, des associations, un service médico-judiciaire ou les autorités compétentes.

 

LIENS UTILES :


  • Violences Faites aux Femmes - Formation des Chirurgiens-dentistes Disponible en e-learning ici 👉 https://bit.ly/3182im7


  • Guide d’aide à la prise en charge médicale des femmes victimes de violences conjugales à destination des médecins Téléchargeable ici 👉 https://bit.ly/2PeA3gm


  • "Le rôle du chirurgien-dentiste dans la maltraitance des adolescents" Article Information-dentaire disponible ici 👉 https://bit.ly/3jZzaGA

 

Repérer les personnes souffrant d’addictions ou de troubles de l’alimentation


Tabac, alcool, cannabis… Leur consommation ou celle d’autres substances telles que la cocaïne, l’ecstasy ou l’héroïne, entraîne divers symptômes et dégradent la santé bucco-dentaire de celui qui les consomme. Sécheresse buccale, augmentation du risque carieux, coloration inesthétique des dents, dégradation de l’haleine et du goût, atteinte des tissus de soutien des dents, atteinte des muqueuses buccales, abrasion des dents, et dans les cas le plus grave cancer de la bouche… Les consommateurs n’ont pas toujours consciences des risques et des conséquences de leur addiction sur leur santé buccale.


De la même manière, les patients atteints de troubles du comportement alimentaire (TCA) adoptent bien souvent des comportements préjudiciables pour leurs dents. Là encore, certains signes doivent alerter : une érosion des dents, un angle sous-mandibulaire gonflé, une abrasion de la main liée aux vomissements, des troubles de la fertilité, une hypokaliémie, une demande de régime amaigrissant voire de chirurgie bariatrique…


Tous ces signes peuvent et doivent alerter le chirurgien-dentiste qui, là encore, joue un rôle de premier ordre dans l'identification et l'accompagnement de ces personnes en souffrance.

 

LIENS UTILES :



  • Notre dossier spécial "Lutter contre le tabagisme directement depuis le cabinet dentaire" A retrouver ici 👉 https://bit.ly/30iqtiR


  • Recommandations sur le repérage et la prise en charge des patients touchés par la boulimie et hyperphagie boulimique par La Haute autorité de santé Disponibles ici 👉 https://bit.ly/2Dkkyk8

 

SOURCES : LEGIFRANCE | INFORMATION DENTAIRE | LES CDF | HAS | FRANCE ASSOS SANTE | PRATIQUE DENTAIRE | THERAGORA | AIDES | ONCD | STOP VIOLENCES FEMMES | STATISTA | ADDICT AIDE

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